As-tu toujours voulu être illustratrice ? Quelles études as-tu suivi ?
J'ai l'impression d'avoir eu cette envie, un peu cachée dans un recoin de mon esprit, depuis le début du lycée. Mais je ne peux pas dire que j'ai toujours voulu être illustratrice - petite, je voulais devenir fleuriste ou bibliothécaire. Et puis au lycée, j'ai commencé à dessiner de plus en plus (même si j'ai toujours beaucoup dessiné, même auparavant), et je me disais que pouvoir vivre du dessin, ce serait quand même vraiment chouette. Mais j'ai eu peur de me lancer après le lycée et n'ai pas osé tenter un concours d'entrée dans une école d'art. Je me suis dit que c'était un métier difficile, imprévisible, instable. Alors je suis partie à l'université pour faire une licence de lettres modernes, me raccrochant à cette vieille envie de devenir bibliothécaire, qui subsistait vaguement depuis mes 8 ans. Mais après une année d'études à l'étranger, lorsque j'ai commencé un master "métiers du livre et de l'édition", je me suis rendue compte que vraiment, il n'y avait rien à faire : ce qui me faisait vraiment envie, ce qui me faisait vraiment rêver, ce n'était pas le fauteuil de l'éditeur, mais celui qui se trouve de l'autre côté du bureau, celui de l'auteur/illustrateur. Alors j'ai tout laissé tombé et je suis rentrée dans mon petit village dans l'Est de la France, ce qui fut le premier pas sur le long chemin de ma tentative de devenir illustratrice !
Comment travailles-tu ? Quelles sont tes techniques de prédilection ?
Je travaille principalement à l'aquarelle, avec des pinceaux minuscules. Je n'utilise en tout et pour tout que trois pinceaux, en dessous de la taille "0" (donc les plus petits que l'on puisse trouver). J'aime la texture qu'ils donnent à l'aquarelle, le fait qu'ils me permettent une grande précisions, et que je puisse ajouter plein de petits détails partout. Il m'arrive aussi de gribouiller avec mes crayons de couleur, mais même après des heures d'entraînement, je ne me sens jamais 100% sûre de moi avec un crayon de couleur à la main. Lorsque j'imagine une illustration, elle me vient presque tout le temps en tête sous la forme d'une peinture à l'aquarelle ! Récemment, je me suis aussi mise un peu à la gouache, et j'aime vraiment ça. C'est comme un mélange d'aquarelle et d'acrylique, qui offre plein de possibilités en mixant les caractéristiques de ces deux médiums.Et puis, pour des croquis rapides, j'aime vraiment utiliser des marqueurs à alcool, comme des Copic ou des Promarker. Les gammes de couleur sont très belles, ils sont rapides et faciles à utiliser et me rappellent un petit peu l'aquarelle (surtout ceux qui ont une mine pinceau) !
Préfères-tu le digital ou le traditionnel ?
Pour mon propre travail, je préfère vraiment le traditionnel. Je ne travaille quasiment jamais en digital, même pour des commandes ou pour les albums que j'illustre. Je n'arrive pas vraiment à retrouver le charme que peut avoir une illustration à l'aquarelle. Cependant, dans le travail d'autres illustrateurs/trices que je suis, j'aime tout autant le digital que le traditionnel ! Il y a même certains artistes qui utilisent le digital d'une manière qui fait que je n'arrive pas toujours à savoir si c'est traditionnel, ou fait à l'ordinateur :)Cependant, la partie digitale reste une partie importante de mon processus, puisque je scanne mes peintures à l'aquarelle, les nettoie et les réorganise souvent digitalement. C'est-à-dire que je débarrasse l'image du fond blanc pour ne garder que les éléments peints. Ainsi, si j'ai besoin de bouger un peu tel ou tel élément, c'est très facile ! Et je peux ajouter un fond blanc digital, et donc me débarrasser des ombres et des textures du papier - ce qui a un rendu beaucoup plus joli et plus propre lorsque l'illustration doit être imprimée.
Où trouves-tu ton inspiration et quelles sont tes influences principales dans ton travail ?
La réponse risque d'être un peu bateau, mais je trouve mon inspiration un peu partout autour de moi. Que ce soit dans la vraie vie ou dans le travail d'autres illustrateurs que j'aime (bien sûr, il faut toujours bien faire la distinction entre être inspiré par d'autres artistes et les copier, ce sont deux choses totalement différentes !). Un petit tour dans les champs, dans un parc ou dans la forêt amène souvent de nouvelles idées. C'est étrange à dire, mais les moments où je me sens un peu mélancolique, un peu triste, m'apporte souvent aussi de nouvelles idées, car dessiner m'aide à me sentir un peu mieux. Souvent, je ne dessine pas sur le coup quand je me sens triste, mais j'écris ce qui me vient à l'esprit, et puis, plus tard, quand je me sens plus énergique, je prends mes pinceaux et je m'inspire de ce que j'avais noté !Que préfères-tu dessiner ?
Des fleurs et des animaux ! J'aimerais être meilleure pour dessiner les personnages humains, mais je crois que ça n'est vraiment pas mon fort, et même si j'en gribouille dans mes carnets pour essayer de m'entraîner, cela ne me rend jamais aussi heureuse que lorsque je peins des fleurs, des feuilles et des animaux.Parles-nous de ton premier travail en tant qu’illustratrice.
Ma première commande rémunérée date de Décembre 2016. Je vivais alors à Edimbourg et j'étais en train de préparer ma toute première exposition. J'avais envoyé, quelques mois plus tôt, un mail à May, qui tient le blog viedemiettes.fr (que je vous conseille vivement si vous ne connaissez pas), avec quelques dessins dedans, simplement pour lui dire que j'adorais ses textes, ses photos et sa douceur que je trouvent si inspirants. Et il s'avère que May est webdesigner, et qu'elle travaillait fin 2016 sur le site d'un restaurant qui allait bientôt ouvrir ses portes dans les environs de Paris ! Elle a donc glissé mon nom à la responsable du projet, et on m'a demandé d'illustrer le bâtiment dans lequel se trouverait le restaurant. Cela n'avait rien à voir avec mon style, j'ai dû réaliser une illustration entièrement digitale et très géométrique, mais c'était très formateur et c'était un peu magique d'être payée pour dessiner (même si j'avais fait la grosse erreur de demander un prix bien trop bas à l'époque) ! Voilà, c'était la première fois et j'en garde un souvenir ému :)
Comment trouves-tu tes clients et quelle expérience a été la plus formatrice ?
J'ai eu beaucoup, beaucoup de chances jusqu'ici car je n'ai encore jamais eu à démarcher. Tous les clients avec qui j'ai eu l'occasion de travailler m'ont trouvé grâce aux réseaux sociaux, et Instagram plus particulièrement ! Je dirais que chaque expérience que j'ai eu a été formatrice d'une manière ou d'une autre, car je crois qu'on ne finit jamais d'apprendre, en particulier lorsque l'on travaille à son compte. Chaque projet, chaque client est différent, et, que cela soit de manière positive ou un peu moins, ils nous apportent tous quelque chose qui nous permettra d'évoluer et de s'améliorer :) Je pense qu'une des expériences qui m'a vraiment marquée, ça a été d'illustrer mon tout premier album, "L'ours transparent", car c'était la première fois que je m'attelais à un projet aussi long (pendant plusieurs mois). J'avais très peur et en même temps j'étais si heureuse et enthousiaste à l'idée que ce petit ours qui trottait dans mon esprit depuis plusieurs années puisse enfin prendre vie et commencer à voyager ! C'est un sentiment si doux et si heureux.De quelle illustration es-tu la plus fière ?
Il y a deux illustrations que j'aime particulièrement et dont je me sens fière. L'une d'elle est un peu "ancienne" (bon, pas tant que ça, mais d'habitude après quelques semaines voire quelques jours je n'aime déjà plus mes illustrations, alors là c'est comme un petit record !), et date de Septembre 2017. Le magazine allemand Sister Mag m'avait contactée pour peindre un fond sous-marin dans le cadre du lancement d'un nouveau produit de beauté dont le packaging était réalisé avec du plastique ramassé sur les plages. Je n'avais absolument jamais peint de paysages sous-marins, ni d'animaux marins, mais je me suis lancée sans trop réfléchir, et finalement le résultat reste l'une de mes peintures préférées. La deuxième est beaucoup plus récente puisqu'elle date d'Avril ou Mai de cette année je crois - il s'agit d'un petit éléphant qui peint des fleurs, avec la phrase "Et j'essaie de me rappeler que tout ce que j'ai à faire pour remplir une page blanche effrayante, c'est de peindre une fleur. Puis une autre. Et petit à petit, tout ira bien." (en anglais dans l'illustration originale). Je ne l'aime pas seulement pour le résultat esthétique (même si je suis contente parce que j'ai réussi à représenter presque exactement ce que j'avais en tête, ce qui est rare), mais aussi pour la petite histoire qui est derrière. Elle est tirée d'une toute petite BD que j'avais postée sur mon compte Instagram au début de l'année, qui parle du futur incertain, qui m'effraie tellement parfois, et du fait que si on pose simplement un pied devant l'autre, on finit par avancer et en fait on se rend compte que, ça va. C'était une petite BD très personnelle, sur un sentiment qui m'habite régulièrement (notamment parce que le métier d'illustrateur est assez instable et que j'ai constamment peur que tout s'arrête), mais je me suis rendue compte en la postant là que nous étions beaucoup à ressentir cela. Je me souviens avoir lu les commentaires sous cette image à l'aéroport de Madrid, en attendant l'avion, alors que je rendais visite à mon copain, et j'en avais presque les larmes aux yeux. Les mots postés là étaient beaux et doux. Alors j'ai décidé de transformer cette petite BD en une plus grande illustration que je pourrais imprimer, afin que ceux qui le souhaitent puissent avoir ces mots réconfortants sous les yeux lorsqu'ils en ressentent le besoin :)
Quelle est ta journée type d’illustratrice ?
Chaque journée est différente, il y a des jours où je dessine beaucoup, d'autres qui sont surtout administratifs... mais pour schématiser, je me lève en général autour de 7H/7H30 et commence à travailler aux alentours de 8H30. Armée d'une tasse de thé bien chaud, j'aime bien répondre aux mails en premier (c'est un secret entre nous, mais répondre aux mails, c'est ce que j'aime le moins dans mon métier je crois ! Je suis timide alors j'ai toujours du mal à trouver les bons mots, etc.). Comme ça, j'ai l'esprit tranquille après cela pour commencer à dessiner, à peindre, à gribouiller. En fait, j'essaie souvent de faire les tâches les moins intéressantes en premier (les tâches administratives essentiellement) pour qu'elles me sortent de la tête et que je puisse me sentir légère une fois mes pinceaux en main hihi ! Et puis, le soir, l'heure à laquelle j'arrête de travailler varie beaucoup selon mes projets en cours et ma motivation du jour, mais cela varie entre 16H30 et 19H ! Et j'essaie de ne jamais, jamais travailler le weekend, cela m'aide à revenir reposée et plus motivée le Lundi (sauf cas de force majeure, si un projet nécessite que j'y passe le weekend je le fais quand même bien sûr !). Voilà voilà ! :)Des futurs projets à venir ?
Je dois commencer à travailler sur mon deuxième album jeunesse à la rentrée (j'ai illustré un album jeunesse au début de l'année, mais cette fois-ci je n'avais pas écrit l'histoire. C'est pour ça que je dis "mon deuxième album" !), et j'ai déjà aussi quelques projets qui m'attendent en Septembre et Octobre. Et puis, j'aimerais vraiment pouvoir ré ouvrir ma petite boutique en ligne en Novembre pour la période de Noël ! Mais ça va être beaucoup de travail et de préparation (en plus, je déménage bientôt dans un autre pays, alors il va falloir que je recommence à étudier tout le système postal, les prix et les meilleures façons d'envoyer les colis, ce qui risque de me prendre un peu de temps en plus). J'ai hâte de m'y mettre ! Je sens que la fin de l'année va être douce et remplie de jolies choses !Vous pouvez retrouver le travail de Cécile sur son Instagram, sa chaîne youtube et son Etsy.
Les outils de Cécile :
- Aquarelle
- Feutres Copic
- Feutres Promarker
- Ses story Instagram sur le sujet ici
Prochaine interview le samedi 21 septembre avec Léa. Rendez-vous chaque samedi pour une nouvelle interview.
©Lucile Farroni - 2019
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